Législatives: Hollande, de président "normal" à député "pas comme les autres"

L'ex-président socialiste François Hollande vote au second tour des élections législatives, le 7 juillet 2024 à in Tulle, en Corrèze

By Jean DECOTTE

Tulle (AFP) - Redescendu de sa "montagne de Tulle" face au risque du "chaos", l'ex-président François Hollande a retrouvé un simple siège de député de la Corrèze dimanche, replongeant en politique après avoir connu les sommets du pouvoir comme les tréfonds de l'impopularité.

Peut-on être un député "normal" lorsque l'on a été chef de l'État? "Je ne serai pas un député comme les autres, c'est sûr", concède à l'AFP l'ancien président de la République, sept ans après son départ de l'Élysée (2012-2017).

Il a toutefois réaffirmé dimanche soir qu'il n'était pas candidat à Matignon. "Pour être dans un gouvernement, faut-il encore être candidat à le diriger? Je ne le suis pas", a-t-il déclaré sur BFMTV, estimant pouvoir "être utile" en matière de "politique étrangère".

Face à une "situation exceptionnelle", la poussée de l'extrême droite, il dit avoir pris une "décision exceptionnelle": reconquérir à 69 ans l'écharpe de député de Tulle, portée de 1988 à 1993 puis de 1997 à 2012.

Sept ans après avoir laissé les clés de l'Elysée à Emmanuel Macron, l'ancien chef de l'Etat (2012-2017) est sorti vainqueur avec 43,10% des suffrages selon des résultats définitifs) d'une triangulaire dans la première circonscription de Corrèze.

Il a devancé la candidate RN Maïtey Pougey (31,69%) et le député sortant Les républicains Francis Dubois (25,21%), après avoir dominé le premier tour avec 37,6% des voix.

Silhouette épaissie et oeil rieur, il a, durant la campagne, regoûté au "plaisir" d'une popularité retrouvée: selfies, poignées de main et bière bue cul-sec sous les vivats de rugbymen à Bort-les-Orgues.

Toujours disponible, toujours souriant.

"Il ne faut absolument pas sous-estimer la capacité de rebond du personnage", analyse le politologue bordelais Jean Petaux.

Qu'il semble loin le président le plus impopulaire de la Ve République, à 4% de satisfaction après la publication en 2016 de "Un président ne devrait pas dire ça...", ouvrage controversé de confidences à deux journalistes du Monde.

"J'ai vécu des moments très durs avec lui entre 2014 et 2017", se souvient Gaspard Gantzer, son ancien communiquant à la présidence.

\- "Addict" -

Au plus bas des sondages, telle avait débuté sa campagne présidentielle en 2011, avant l'impensable retrait du favori Dominique Strauss-Kahn, rattrapé par l'affaire du Sofitel.

Élu sur une promesse de rupture avec Nicolas Sarkozy, François Hollande entame une présidence décrite comme "normale" après le "bling-bling" de son prédécesseur.

Séparé en 2007 de Ségolène Royal, la mère de ses quatre enfants, puis en couple avec la journaliste politique Valérie Trierweiler, il vivra pendant son quinquennat une romance très médiatisée avec l'actrice Julie Gayet, qu'il épouse en 2022.

Les mouvements de rejet vont pourtant empoisonner son quinquennat: mobilisation conservatrice contre le mariage homosexuel; virage social-libéral très critiqué à mi-mandat; polémique sur la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux...

Jusqu'à son renoncement à se représenter, en décembre 2016, après la "trahison" de son ancien ministre de l'Économie Emmanuel Macron, qui lui succède.

"Toutes ces années, il y a eu à la fois des joies, des réussites, des épreuves. On vit de ça", relève sobrement François Hollande.

Le voilà réélu à l'Assemblée nationale, premier ex-président à y siéger depuis Valéry Giscard d'Estaing en 1984.

Pendant cette parenthèse de sept années, il a lancé une fondation "La France s'engage", écumé lycées et universités, écrit plusieurs livres. Sans jamais écarter un retour.

"Ça fait sept ans qu'il tourne autour", grince un de ses anciens conseillers. "C'est un garçon addict qui pense que d'une meurtrière on peut faire une baie vitrée."

\- "Rock-star" -

François Hollande a connu "la drogue dure de l'Élysée pendant cinq ans", confirme Jean Petaux, qui lui a souvent donné la réplique lors de conférences. "J'ai toujours pensé qu'il voulait revenir", dit-il, décrivant une "espèce de rock-star", suscitant des files d'admirateurs venus décrocher un autographe.

Depuis, une partie de son bilan a été réhabilitée : déficit budgétaire maîtrisé; refus dès 2015 de livrer des navires de guerre Mistral à la Russie de Vladimir Poutine...

Les guerres et les attentats ayant endeuillé son mandat, de Charlie Hebdo au Bataclan, l'ont aussi fait gagner en gravité. "La mort habite la fonction présidentielle", a-t-il imagé.

À bientôt 70 ans, ce natif de Rouen, fils d'un médecin d'une droite dure, pro-Algérie française, et d'une assistante sociale à "l'âme généreuse", ne se voit pas s'arrêter.

"Il faut pas mal de hauteur de vue pour retourner à la base en se relégitimant auprès des électeurs", veut croire Gaspard Gantzer. "Ça le met au coeur de tout processus de reconstruction de la gauche, et même du pays"."

© Agence France-Presse